C’est avec une profonde tristesse que nous avons appris le décès de Daniel Pinard hier. Les deux livres de cuisine qu’il a publiés au Boréal (Pinardises, 1994; Encore des pinardises, 2000) ont connu un immense succès en librairie et ont modifié à tout jamais la relation que les Québécois entretiennent avec la cuisine et la gastronomie.
Ce qui fait la valeur de ces livres, outre la grande finesse des textes, c’est la franchise qui les caractérise, leur volonté d’aller à l’essentiel, au mépris de toute forme de prétention ou de snobisme, et le désir de l’auteur de partager ses passions avec un public le plus vaste possible. Ce sont là des qualités qui résument l’homme tout entier.
Car Daniel Pinard était arrivé à la cuisine un peu par accident. Il était, dans l’âme et par sa formation, sociologue. Il avait étudié à la New School, à New York, dans les années 1960, avec, entre autres professeurs, Hannah Arendt. C’était un esprit d’une insatiable curiosité. Il lisait sur les sujets les plus divers et nous surprenait chaque fois par des vues étonnantes, voire détonantes, mais toujours appuyées sur de sérieuses analyses.
Cette vive intelligence se doublait d’une sensibilité à fleur de peau. Daniel Pinard se rangeait toujours du côté des êtres marginalisés ou méprisés. Ses dénonciations contre la discrimination visant les homosexuels ont fait vive impression. Mais c’étaient toutes les formes d’injustice qui le scandalisaient, tant économique que raciale. Les longues années qu’il a vécues au Brésil ont été formatrices pour lui à cet égard.
Mais la plus précieuse qualité de Daniel Pinard était peut-être sa liberté de parole. Il exécrait la bêtise et ne se gênait pas pour le dire. Il se désolait également, lui qui aimait pourtant farouchement le Québec, de la frilosité des Québécois quand venait le temps de débattre. Cette irrépressible franchise a conféré à sa voix une place unique dans les médias québécois. Elle nous manquera.
Et Daniel, l’homme fort et fragile, nous manquera également.