Le Réseau des fermiers.ères de famille (RFF) souhaite réagir à la récente annonce de la Ferme les Bontés de la Vallée, membre du réseau, de prendre une pause cette année dans le but d’assurer la pérennité de son projet avec un nouveau modèle plus près des principes de l’agriculture soutenue par la communauté (ASC), une façon de cultiver et de se nourrir à laquelle notre réseau adhère et qui vise à créer un lien de solidarité entre les agriculteurs.trices et leurs communautés.
Cette décision est venue d’un constat qui est vécu par plusieurs fermes de notre réseau, le lien entre les fermiers.ères et les citoyens.nes doit être réimaginé pour garantir la viabilité d’une agriculture résiliente, respectueuse des sols et de la biodiversité. Dans une communication envoyée aux abonné.es de la ferme, les propriétaires Mélina et François ont envoyé un cri du cœur dans lequel ils soulignent que la charge de travail et mentale sont devenues trop importantes pour être ignorées.
« Nous souffrons des interminables heures de travail en haute saison qui varie entre 60 à 80 heures par semaine durant 6 mois et de la pression constante d’avoir à tout assumer. Les étés passent et nous avons l’impression d’être dépossédés d’un temps précieux que nous devrions prendre avec nos enfants encore jeunes », déplore François D’Aoust, copropriétaire de la ferme les Bontés de la Vallée.
Le couple a exploré plusieurs pistes de solution pour tenter de surmonter les défis auxquels ils font face. Notamment, celle d’engager de nouveaux employés, mais cette solution s’avère impossible dans le contexte financier de la ferme et économique du Québec. L’embauche de nouveaux employés forcerait la ferme à augmenter les prix, ce qui est difficilement conjugable avec l’inflation, la compétition et avec le désir de conserver l’accessibilité de leurs légumes avec les citoyen.nes moins fortunés.
Par conséquent, la ferme souhaite plutôt prendre une toute autre direction qui consiste à instituer un nouveau contrat entre leur ferme et la communauté qu’elle nourrit. Notamment par la formation d’une coopérative et d’une fiducie pour gérer la ferme, d’assemblées communautaires et de contributions variables pour permettre à toustes de mettre la main à la terre selon leur moyen. Il s’agit en quelque sorte d’une alliance où les partis s’entendent sur une vision et un but communs, et sur la manière de les concrétiser.
« Nous croyons que nous devons être plus nombreux à connaître et comprendre les exigences du projet nourricier que constitue une ferme, et surtout d’en partager la responsabilité. Nous aimons l’idée partagée par le fermier américain, Trauger Groh, selon laquelle la prospérité des fermes doit être l’affaire de tous, et pas seulement des agriculteurs et des agricultrices. Ce que nous proposons, en somme, c’est de faire communauté. Une idée toute simple, mais complètement marginale et à mille lieues du chacun pour soi de notre organisation sociale que nous avons si bien intériorisée », explique Mélina Plante, copropriétaire de la ferme les Bontés de la Vallée.
Renouveler l’agriculture soutenue par la communauté
Le Réseau des fermiers.ères de famille souhaite exprimer son soutien à Mélina et François quant à la situation difficile à laquelle ils doivent faire face, mais également aux solutions qu’ils ont partagées qui sont en phase avec les valeurs de notre réseau et avec le projet de société que propose notre Manifeste de la résilience.
« Nous croyons que pour surmonter les défis de l’avenir et assurer notre résilience face à ceux-ci, il faut que notre société reconnecte avec son alimentation, son agriculture et son territoire. L’avenir de l’agriculture doit devenir l’affaire de tous et toutes. Heureusement, plusieurs actions sont possibles pour les citoyens, les citoyennes et les gouvernements qui souhaitent s’impliquer davantage pour cette cause », a déclaré Léon Bibeau-Mercier, président de la Coopérative pour l’agriculture de proximité écologique.
Notamment, chaque citoyen.ne peut soutenir et exiger la transformation de l’industrie agroalimentaire; en s’engageant auprès d’un.e fermier.ère de famille, en fréquentant les marchés fermiers et les épiceries bio-locales, en variant son alimentation avec les saisons, en exigeant des municipalités qu’elles se dotent de plates-bandes comestibles et de lieux alimentaires publics, en remplaçant son gazon par des plantes aromatiques, médicinales, mellifères ou potagères, en s’impliquant dans le choix des ingrédients servis dans les écoles et dans les centres hospitaliers.
En ce qui concerne les gouvernements, ceux-ci pourraient faciliter l’accès à la terre, offrir un financement sensé des entreprises agricoles, réviser les normes sanitaires et les lois sur les quotas, offrir un appui ferme et sans équivoque à l’agriculture biologique, multiplier les marchés publics, faire la promotion et soutenir la distribution des aliments en circuit court, modifier les programmes éducatifs pour qu’ils soient axés sur la nature et l’alimentation locale, pour n’en nommer que quelques.unes.