Récemment, des festivals artistiques à travers le Québec sont confrontés à une situation alarmante: des coupures budgétaires drastiques de tous les paliers gouvernementaux, allant parfois jusqu’à une coupure totale de leur financement culturel de la part du provincial.
Au palier provincial, les festivals culturels peuvent obtenir du financement par le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) ou la Société de Développement des Entreprises Culturelles (SODEC), deux organismes qui distribuent les fonds du Ministère de la Culture et des Communications. Essentiels à la vitalité culturelle de nos régions, plusieurs d’entre eux se voient désormais privés de ressources essentielles pour la réalisation de leurs activités.
Parmi les victimes de ces coupures figurent des festivals ayant un historique de soutien financier significatif, tels que le Festival Colline de Lac-Mégantic, le FAR Festival des arts de ruelle de Montréal et CHAPO-Festival International d’amuseurs publics de Mascouche. Ces événements, pourtant des piliers de leur communauté respective et d’importants diffuseurs culturels, ont vu leurs demandes de financement rejetées pour l’année 2024, malgré des évaluations favorables de leurs projets. Il s’agit d’une coupure de 182 500$ pour ces trois événements. Les raisons invoquées sont principalement liées à une réduction budgétaire drastique du programme de financement.
- CHAPO – Festival international d’amuseurs publics, de Mascouche, qui est le plus grand rassemblement d’amuseurs publics au Canada;
- FAR Festival des arts de ruelle, de Montréal, qui est le seul événement à célébrer cet héritage unique de la métropole;
- Festival Colline, de Lac-Mégantic, qui est le seul événement culturel majeur de l’été dans la grande région de Mégantic.
Dans ce contexte, les organisateurs doivent faire preuve d’une grande créativité pour maintenir leurs événements, malgré des ressources financières limitées. Cependant, la question se pose : comment peut-on continuer à innover et à créer, mais surtout programmer des créateurs qui ont besoin de diffuseurs pour augmenter leur découvrabilité, lorsque l’on perd la totalité de son financement culturel?
Les arts de rue et la mesure de billetterie – FAR et CHAPO
Historiquement, de nombreux événements n’étaient pas éligibles aux programmes du CALQ, qui exigeait des revenus de billetterie. Cette exigence est difficilement applicable à des événements qui, dans un souci de démocratisation de la culture et de développement des publics de demain, proposent des arts de rue ou des spectacles pour le jeune public. Cependant, après de nombreux efforts de sensibilisation, le CALQ a ouvert en 2023 le programme, « Présentation d’œuvres dans l’espace public et dans des lieux atypiques », auquel des événements sans revenu de billetterie comme le FAR et CHAPO ont pu appliquer avec succès. Les financements obtenus en 2023 représentaient environ 25% des budgets respectifs de ces événements et ont contribué de manière significative à la réalisation de ces derniers qui étaient en péril dans le contexte actuel que l’on connaît tous.
La situation est d’autant plus préoccupante pour des disciplines comme les arts de rue qui n’ont pas une tradition de diffusion liée à la billetterie. Les récentes annonces d’annulation, comme celle du Festival Juste pour rire, l’un des plus grands diffuseurs d’arts de rue au Québec, suscitent une inquiétude croissante quant à la pérennité de ces formes d’expressions artistiques. Les coupures actuelles du CALQ privent des diffuseurs d’arts de rue (le FAR et CHAPO) d’une possibilité de source de financement provinciale avec un nouveau programme visant à pérenniser l’aide octroyée avec la pandémie, qui faisait une exception à la règle du CALQ en termes de billetterie. Cette règle semble pourtant aller à l’encontre de la mission même du CALQ, qui vise notamment à encourager la diffusion et le rayonnement de projets artistiques professionnels.
Les festivals orphelins
Certains autres événements ont de la difficulté à cadrer dans un programme précis et ainsi assurer un financement récurrent malgré le fait qu’ils vendent des billets. Ils sont donc constamment confrontés à des demandes par projets, ne permettant ainsi aucune prévisibilité face à la tenue de leurs événements. C’est le cas de plusieurs festivals dits «orphelins» qui n’arrivent pas à cadrer dans aucun programme du Ministère de la Culture et des Communications du Québec. On recense actuellement près de 25 festivals «orphelins» (et possiblement plus) au Québec. De son côté, le festival Colline a bénéficié d’un financement du CALQ pour la production de ses trois premières éditions, mais se voit refuser en totalité sa demande pour l’année 2024.
Face à cette réalité, comment les événements, déjà confrontés à la pénurie de main-d’œuvre, aux salaires non-compétitifs, à la surcharge des quelques personnes qui tiennent le flambeau, aux effets de l’inflation et désormais à une perte totale de leurs revenus de subventions au niveau culturel provincial, peuvent-ils espérer survivre ?
Les festivals jouent un rôle crucial dans la création, la diffusion et la mise en valeur des œuvres artistiques, ainsi que dans le renforcement du tissu social et économique de nos communautés. De plus, annuellement, ces festivals embauchent plus d’une centaine de créateurs, de fournisseurs, de contractuels, de techniciens, en plus des employés permanents ou à temps partiel. Il est de notre devoir de société de les soutenir dans ces moments difficiles.
Le Regroupement des Festivals Régionaux Artistiques Indépendants (REFRAIN) a récemment déposé un mémoire dans le cadre des consultations pré-budgétaires 2024-2025 du gouvernement du Québec. Ce document met en lumière les défis auxquels sont confrontés ces diffuseurs et propose des pistes de solutions pour atténuer cette crise.
Nous espérons que ce communiqué mettra en lumière la situation critique à laquelle sont confrontés ces festivals et encourage une action rapide de la part des autorités compétentes sans quoi nous pouvons nous attendre à d’autres annonces difficiles dans les prochains mois.
Pour plus d’informations ou pour des demandes d’entrevue, veuillez contacter :
Louis-Philippe Lemay, Directeur général de CHAPO-Festival international d’amuseurs publics
lp@cellulecreative.ca – 514-449-5977
Léa Philippe, Directrice générale du FAR Festival des arts de ruelle
lea@festivalFAR.com – 514-226-1070
Hubert Lavallée-Bellefleur, Directeur général du Festival Colline
hubert@festivalcolline.com – 514-299-0663